Test d’un applicatif réseau avec pytest et les espaces de noms Linux

Vincent Bernat

Initié en 2008, lldpd est une implémentation en C du standard IEEE 802.1AB-2005 (aussi connu comme LLDP). Bien qu’il soit accompagné de quelques tests unitaires, comme beaucoup d’autres applicatifs réseaux, la couverture de ceux-ci est assez restreinte : il sont plutôt difficiles à écrire en raison de l’aspect impératif du code et du couplage fort avec le système. Une réécriture (itérative ou complète) aiderait à rendre le code plus simple à tester, mais cela nécessiterait un effort important et introduirait de nouveaux bugs opérationnels.

Afin d’obtenir une meilleure couverture des tests, les fonctionnalités les plus importantes de lldpd sont désormais vérifiées à travers des tests d’intégration. Ceux-ci se reposent sur l’utilisation des espaces de noms Linux pour mettre en place des environnements isolés légers pour chaque test. pytest est utilisé comme outil de test.

pytest en bref#

pytest est un outil de tests pour Python dont la versatilité permet son usage dans de nombreuses situations. Il dispose de trois fonctionnalités remarquables :

  • l’utilisation du mot-clé assert
  • l’injection des fixtures dans les fonctions de test
  • la paramétrisation des tests.

Les assertions#

Avec unittest, l’outil de tests unitaires fourni avec Python, les tests sont encapsulés dans une classe et doivent faire appel à des méthodes dédiées pour les assertions. Par exemple :

class testArithmetics(unittest.TestCase):
    def test_addition(self):
        self.assertEqual(1 + 3, 4)

Avec pytest, il est possible d’exprimer ceci plus naturellement :

def test_addition():
    assert 1 + 3 == 4

pytest va analyser l’AST et afficher des messages d’erreur appropriés en cas d’échec. Pour plus d’informations, référez-vous à l’article de Benjamin Peterson.

Les fixtures#

Une fixture est un ensemble d’actions à effectuer afin de préparer le système à exécuter une série de tests. Avec les outils classiques, il n’est souvent possible de définir qu’une seule fixture pour une ensemble de tests :

class testInVM(unittest.TestCase):

    def setUp(self):
        self.vm = VM('Test-VM')
        self.vm.start()
        self.ssh = SSHClient()
        self.ssh.connect(self.vm.public_ip)

    def tearDown(self):
        self.ssh.close()
        self.vm.destroy()

    def test_hello(self):
        stdin, stdout, stderr = self.ssh.exec_command("echo hello")
        stdin.close()
        self.assertEqual(stderr.read(), b"")
        self.assertEqual(stdout.read(), b"hello\n")

Dans l’exemple ci-dessus, nous voulons tester quelques commandes sur une machine virtuelle. La fixture démarre la VM et initie la connexion SSH. Toutefois, en cas d’échec de cette dernière, la méthode tearDown() ne sera pas appelée et la VM continuera de tourner.

Avec pytest, il est possible de faire les choses différemment :

@pytest.yield_fixture
def vm():
    r = VM('Test-VM')
    r.start()
    yield r
    r.destroy()

@pytest.yield_fixture
def ssh(vm):
    ssh = SSHClient()
    ssh.connect(vm.public_ip)
    yield ssh
    ssh.close()

def test_hello(ssh):
    stdin, stdout, stderr = ssh.exec_command("echo hello")
    stdin.close()
    stderr.read() == b""
    stdout.read() == b"hello\n"

La première fixture démarre une VM. La seconde va fournir une connexion SSH vers la VM fournie en argument. Les fixtures sont utilisées à travers un système d’injection des dépendences : la seule présence de leur nom dans la signature d’une fonction de test ou d’une autre fixture suffit à l’utiliser. Chaque fixture ne gère le cycle de vie que d’une seule entité. Peu importe si une autre fixture ou une fonction de tests dépendant de celle-ci réussit ou non, la VM sera démantelée en fin de test.

La paramétrisation#

Si un test doit être exécuté plusieurs fois avec des paramètres différents, la solution classique est d’utiliser une boucle ou de définir dynamiquement les fonctions de test. Avec pytest, vous pouvez paramétriser une fonction de test ou une fixture :

@pytest.mark.parametrize("n1, n2, expected", [
    (1, 3, 4),
    (8, 20, 28),
    (-4, 0, -4)])
def test_addition(n1, n2, expected):
    assert n1 + n2 == expected

Tester lldpd#

Tester une fonctionnalité de lldpd se fait en cinq étapes :

  1. Mettre en place deux espaces de noms.
  2. Créer un lien virtuel entre ceux-ci.
  3. Démarrer un processus lldpd dans chaque espace.
  4. Tester la fonctionnalité dans un des espaces.
  5. Vérifier avec lldpcli le résultat attendu dans l’autre espace.

Voici un test typique utilisant les fonctionnalités les plus intéressantes de pytest :

@pytest.mark.skipif('LLDP-MED' not in pytest.config.lldpd.features,
                    reason="LLDP-MED not supported")
@pytest.mark.parametrize("classe, expected", [
    (1, "Generic Endpoint (Class I)"),
    (2, "Media Endpoint (Class II)"),
    (3, "Communication Device Endpoint (Class III)"),
    (4, "Network Connectivity Device")])
def test_med_devicetype(lldpd, lldpcli, namespaces, links,
                        classe, expected):
    links(namespaces(1), namespaces(2))
    with namespaces(1):
        lldpd("-r")
    with namespaces(2):
        lldpd("-M", str(classe))
    with namespaces(1):
        out = lldpcli("-f", "keyvalue", "show", "neighbors", "details")
        assert out['lldp.eth0.lldp-med.device-type'] == expected

Tout d’abord, ce test ne sera exécuté que si le support de LLDP-MED a été inclu dans lldpd. De plus, le test est paramétré : quatre tests distincts seront effectués, un pour chaque rôle que lldpd doit être capable d’assumer en tant que terminaison LLDP-MED.

La signature du test comporte quatre paramètres non couverts par le décorateur parametrize() : lldpd, lldpcli, namespaces et links. Il s’agit des fixtures.

  • lldpd est une fabrique qui permet de lancer des instances de lldpd. Elle assure la configuration de l’espace de noms (mise en place de la séparation de privilèges, unformisation de certains fichiers, …) puis appelle lldpd avec les paramètres additionnels fournis. Les messages émis par le démon sont enregisrés dans le rapport en cas d’erreur. Le module se charge aussi de fournir un objet pytest.config.lldpd qui contient les fonctionnalités supportées par lldpd afin de sauter les tests qui nécessitent une fonctionnalité non disponible. Le fichier fixtures/programs.py contient davantage de détails.

  • lldpcli est également une fabrique, mais pour lancer des instances de lldpcli, le client pour interroger lldpd. De plus, la sortie produite est traitée pour obtenir un dictionnaire et faciliter l’écriture des tests.

  • namespaces est la fixture la plus intéressante. Il s’agit d’une fabrique pour les espaces de noms Linux. Elle va créer un nouvel espace de noms ou référencer un espace existant. Il est possible d’entrer dans un espace donné avec le mot-clé with. La fabrique maintient pour chaque espace une liste de descripteurs de fichiers sur lesquels exécuter setns(). Une fois le test fini, les espaces de noms sont détruits naturellement du fait de la fermeture de tous les descripteurs de fichiers. Le fichier fixtures/namespaces.py contient davantage de détails. Cette fixture est réutilisable par d’autres projets1.

  • links contient des fonctions pour gérer les interfaces réseau : création d’une paire d’interfaces Ethernet entre deux espaces de noms, création de ponts, d’aggrégats et de VLAN, etc. Il se repose sur le module pyroute2. Le fichier fixtures/network.py contient davantage de détails.

Vous pouvez découvrir un exemple d’exécution de ces tests en regardant le résultat obtenu avec Travis pour la version 0.9.2. Chaque test étant isolé, il est possible de les lancer en parallèle avec pytest -n 10 --boxed. Afin de dépister encore plus de bugs, à la compilation, l’address sanitizer (ASAN) et le undefined behavior sanitizer (UBSAN) sont activés. En cas de problème détecté, comme par exemple une fuite mémoire, le programme s’arrêtera avec un code de sortie non nul et le test associé échouera.


  1. Il y a trois principales limitations concernant l’usage des espaces de noms avec cette fixture. Tout d’abord, lors de la création d’un user namespace, seul root est lié avec l’utilisateur actuel. lldpd nécessite deux utilisateurs (root et _lldpd). Aussi, il n’est pas possible de se reposer sur cette fonctionnalité pour faire tourner les tests sans être root. La seconde limitation concerne les PID namespace. Il n’est pas possible pour un process de changer de PID namespace. L’appel de setns() ne sera effectif que pour les descendants du process. Il est donc important de ne monter /proc que dans les descendants. La dernière limitation concerne les fils d’exécution : ils doivent tous être dans le même user namespace et PID namespace. Le module threading doit donc être remplacé par l’utilisation du module multiprocessing↩︎